MAY (SAINT-)



Lacroix : Statistiques du département de la Drôme 1835



MAY (SAINT-)



MAY (SAINT-) ou SAINT-MARY. - Il est à 6 kilomètres de Remuzat et 18 de Nyons, dans les montagnes, près de la rivière d'Eygues et de la route en construction du Pont-Saint-Esprit aux Alpes. Sa population n'est que de 283 individus. Il y a quelques oliviers dans les lieux abrités de son territoire.
Il y avait sur la montagne de Saint-Laurent, dans les premiers âges du christianisme, un couvent de bénédictins qui eut quelque importance, puisque l'élection de Marius, qui en était abbé en l'année 500 ou environ, fut, comme le rapporte Papon dans son Histoire de Provence, tome I, page 272, soumise à la sanction de Gondebaud, roi de Bourgogne. Marius mourut dans cette abbaye vers l'année 555 ; l'église le rangea au nombre des saints, et voici ce qu'on lit à son sujet dans le bréviaire de l'ancien diocèse de Sisteron :
Post felicem Sancti Marii transitum (obiit circà annum 555), cùm annorum lustra plurima fluxissent, et quarumdam soevarum gentium crudelitate tota Gallia suis habitatoribus ferè destituta haberetur, et Christi monasteria luctu perpetuo flenda in eremum versa fuissent, à quibusdam viris corpus proefati viri Dei ab ecclesiâ Bodanensi sublatum, ad oppidum Forcalcariense, Deo disponente, delatum est. Hoec Sancti Marii translatio facta est ab Arnulfo, episcopo Sistariensi, scilicet decimo seculo, quo tempore Hungari, per abrupta Alpium juga transeuntes, in Galliam, teste Flodoardo, venerunt ; undè Barbarorum metu facta videtur hoec translatio. Reliquioe sacroe illatoe sunt in ecclesiam Forcalcariensem, Sancti Marii nomine dehinc appellatam, in quâ sanctus abbas multis miraculis claruit.
Après le décès du bienheureux Saint Marius (il mourut vers l'année 555), plusieurs lustres s'écoulèrent pendant lesquels toute la Gaule fut presque dépeuplée par la fureur des nations barbares qui l'avaient envahie. Les monastères du Christ, opprimés pendant ces temps de désolation, s'étaient changés en solitude, ce qui détermina quelques personnes, par l'inspiration divine, à enlever de l'église de Bodanensi et à transférer dans la ville de Forcalquier le corps du saint homme dont il vient d'être parlé. Cette translation de Saint Marius fut faite par Arnoul, évêque de Sisteron, vers le Xme siècle, au moment où des peuples de la Hongrie, traversant les sommets escarpés des Alpes, se répandirent dans la Gaule, au témoignage de Flodoard ; d'où il paraîtrait que cette translation aurait eu lieu dans la crainte des Barbares. Les saintes reliques furent déposées dans l'église de Forcalquier, qui prit de là le nom de Saint Marius, et où le saint abbé devint célèbre par de nombreux miracles.
D'après la tradition locale, le lieu où était placée l'abbaye aurait été nommé Biscodon ou Boscodon, des mots celtiques bos, forêt, et don ou dun, montagne. Papon, au contraire, le nomme Beuvons. De son côté, le bréviaire de Sisteron, comme on vient de le voir, désigne cette église sous le nom de Bodanensi.
Ces différences viennent de quelque faute de copiste, ou des nombreuses altérations que le langage a éprouvées depuis treize siècles. D'ailleurs, que ce lieu ait été appelé Boscodon ou Beuvons, d'où le copiste du bréviaire aura fait Bodanensi, il est évident que le pays quitta dans le moyen âge son ancien nom, pour prendre celui du saint sous la protection duquel il s'était placé.
Papon confirme la version du bréviaire sur la translation à Forcalquier des restes de Saint Marius, et voici comment il s'exprime dans la nomenclature des évêques de Sisteron, tome I, page 274 :
« Arnoul gouverna l'église de Sisteron pendant quarante et un ans, à ce qu'on prétend. On ajoute que, durant son épiscopat, on transféra le corps de Saint Marius de Beuvons à Forcalquier, pour le dérober à la fureur des Hongrois, qui se répandirent en Provence par les diocèses de Sisteron et d'Apt. L'invasion de ces Barbares doit donc être de l'année 925 ou 926, c'est-à-dire de la première année de l'épiscopat d'Arnoul, si le calcul de Bureau est exact. »
On croit que le village de Saint-May existait déjà au VIme siècle, ou, tout au moins, qu'il fut alors fondé par l'abbaye. Avant la révolution, les administrations ne le connaissaient que sous celui de Saint-Mary, qu'on a corrompu ou adouci depuis en celui de Saint-May.
La montagne de Saint-Laurent, où sont les ruines de l'ancienne abbaye, est encore remarquable par des rochers inaccessibles de plus de deux lieues de circonférence, qui l'entourent au levant, au midi et au couchant, et par les coquillages pétrifiés et les pierres sulfureuses, d'une couleur ressemblant à celle du bronze, qu'on y trouve abondamment.
Les armes de Saint-May étaient autrefois de sinople à deux rivières au naturel, surmontées d'un rocher d'argent.

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